Furaya (Fury Hip hop Hardcore)

Avec un premier album sorti en 2009 et distribué nationalement, Furaya était le seul groupe narbonnais encore en action depuis plus de 8 ans. Leur chemin s’est tracé grâce à leur musique, directe et sans concession. Le fait de dire ce que l’on pense dans ses textes, c’est souvent se tirer une balle dans le pied quant au public, obligé de prendre position et donc d’aimer ou pas. Malgré cet aspect qui peut faire reculer certains, Furaya a toujours continué avec la même rage et les mêmes convictions. Le groupe se séparera néanmoins après deux galettes et plus de 300 concerts avec un dernier en Vendée (avis aux fans). Petit retour avec Greg sur leur parcours et son regard sur la scène narbonnaise.
Jeff : chant.
Will : chant.
Greg : guitare.
Junior : basse.
Olive : batterie.

J’ai trouvé une interview de 2006 sur internet où tu disais que, si un jour le groupe s’arrêtait, vous aimeriez vous dire que c’est sans regret car vous aurez fait le maximum pour Furaya. Alors, qu’en est-il ?
Greg : Je pense que si on n'a pas fait le maximum, on est, en tous cas, arrivés au bout de l'histoire. Le maximum c'est de se dire "est-ce que tu es prêt à continuer ? Est-ce que tu es toujours motivé ?" Ce qui aurait été terrible, ça aurait été d'arrêter en se disant qu'il y a encore beaucoup de choses à faire. Mais là, je crois qu'aujourd'hui, avec cette formule, ça faisait 8 huit ans qu'on existait, on a fait deux albums, quasiment 300 concerts un peu partout donc des regrets, il y en aura toujours un peu, mais je suis quand même assez fier de ce qu'on a fait jusqu'à maintenant et je suis content que ça se termine en bons termes. Il y a beaucoup de groupes qui clashent là dessus mais nous, on restera potes et on se recroisera souvent. On a fait pas loin du maximum de ce que l'on pouvait faire.

Ça fait à peu prêt huit ans que vous existez mais la ligne que vous vous êtes fixés (hardcore fusion avec textes revendicateurs) reste toujours la même. Malgré les changements de line up, surtout au niveau de la batterie, et les modes musicales (neo metal, metalcore, deathcore etc.), vous n’avez pas été tentés de la modifier pour toucher plus de monde ou être signés sur un gros label susceptible de vous faire percer?
Greg : Franchement, tentés non. C'est vrai que ça aurait pu être une solution. De toutes manières, à la base, on ne vient pas tous de la fusion mais de styles différents. Ca va du rap et du funk au gros trash, black et compagnie. Notre ligne conductrice a toujours été de faire une musique spontanée et à chaque fois que l'on a composé et que des morceaux sont sortis, c'était dans cette ligne car le fil conducteur était plus le coté énergie, mettre ses tripes dedans que la musique. C'est pour ça que le style s'est imposé de lui-même, on n'a jamais eu la démarche de se dire "tiens, là on va faire un truc fusion mais là ça sera un truc neo". La musique est sortie comme elle est sortie et le style s'est construit au fur et à mesure. Donc tentés non franchement, on a toujours été à l'aise là dedans et c'est ce qui fait qu'aujourd’hui, on préfère peut être arrêter que d'évoluer vers un autre style qui marcherait mieux etc. On était vraiment fait pour faire ça.
Avant d’en venir à l’album, vous arrêterez en mars avec un ultime concert. Comment voyez-vous la scène narbonnaise actuelle par rapport à celle de vos débuts (public et groupes) ?
Greg : Au niveau des groupes, il y a toujours une bonne pépinière de groupes qui se montent. La différence qu'il y a peut être par rapport à 5 ans en arrière, c'est qu'elle est désorganisée mais ce n’est pas vraiment de sa faute. On a privé quand même la scène narbonnaise de beaucoup d'endroits pour s'exprimer c'est à dire qu'il n'y a quasiment plus de cafés concerts et d'assos qui organisent. Il y a 5 ans ça bougeait plus niveau organisations, échanges de dates etc. Ça, ça s'est un peu perdu mais je ne suis pas inquiet dans la mesure où, ça fait 15 ans que je suis dans le milieu musical narbonnais et que les creux, j'en ai déjà vu avant. Il suffit de la volonté de quelques uns en fait. Je suis quand même assez confiant pour l'avenir. Le plus dur c'est de faire bouger les gens. C'est ça qui a évolué en 5 ans. Les groupes sont toujours là, il y a l'envie, la qualité mais c'est le public qui est beaucoup plus dur à faire bouger. C'est dû principalement à la perte de cette dynamique par rapport aux évènements se faisant de plus en plus rares. Après, je pense que ça va revenir. Je ne suis pas inquiet là-dessus.

Si je fais une comparaison du Furaya, époque démo éponyme, et celui d’aujourd’hui, époque Viscerit Vulnere Virius, la première chose qui me saute aux yeux c’est que le contenu n’a pas changé et le contenant s’est renforcé (bonne production cd, construction recherchée des morceaux, jeu de scène en place…). Es-tu d’accord ? Comment l’expliques-tu ?
Greg : Oui, je suis d'accord. Après, c'est la démarche que l'on a voulue, au fur et à mesure qu'on avançait. La première démo, le maxi éponyme, c'est un peu toutes les idées jetées à plat, brutes avec l'expérience qu'on avait à ce moment-là et on a apprit petit à petit à évoluer à partir de là. Ca aurait été plus inquiétant pour moi de sortir un album moins bon et de moins bonne qualité. Ca aurait voulu dire qu'on aurait reculé. Au niveau du jeu de scène, c'est quelque chose que l'on a travaillé, concert après concert.

Dans vos textes, on comprend très clairement que l’engagement dans notre vie (travail, politique, convictions, passions…) est très important à vos yeux. Est-ce le fruit de certains membres ou quand tu es dans Furaya, tu dois obligatoirement être engagé autant que les autres ?
Greg : Tu dois le savoir puisque tu es aussi dans un groupe. Ce n’est jamais forcément tous les membres qui sont impliqués à la même hauteur. Par exemple, Jeff écrit une bonne partie des textes et moi, je compose les musiques. C'est notre caractère. De toute manière, on a toujours voulu faire une musique qui a quelque chose à dire. C'est un peu le reflet de notre caractère. Après, tous les gars du groupe adhèrent. Je pense que ce n'est pas possible d'être dans un groupe et ne pas adhérer à l'état d'esprit sinon, il y a un décalage. C'est vrai qu'il y en a qui vont porter peut être plus que d'autres mais bon, c'est toujours ça. C'est toujours ceux qui composent, qui vont de l'avant qui insufflent ça. Mais malgré tout, tous les membres se rejoignent autour de cette idée d'engagement.

Il y a pas mal de références en latin. C’est votre passion cachée à tous ?
Greg : (Rires) Ouais ! En fait, on s'en est aperçu quand on cherchait le titre de l'album, on avait déjà composé le morceau "Civis Passem Parabellum" (qui est un clin d'œil au groupe Parabellum ayant écrit un morceau comme ça). Ca veut dire "Qui veut la paix prépare la guerre". C'est vrai que dans tous ces vieux proverbes latins, on trouvait qu'il y avait des choses qui s'appliquaient pas mal à l'époque actuelle. C'était un peu marrant de faire le paradoxe entre des proverbes qui datent d'une époque plus que lointaine et celle de maintenant en voyant que ça collait parfaitement. C'est vrai qu'on aurait pu choisir un titre qui se retiendrait peut être un peu mieux. Virescit Vulneris Virtus, ça ne va pas rester dans les mémoires ! Mais quand on se faisait chier sur le titre, qu'on ne voulait pas le nommer avec celui d'une chanson de l'album car trop réducteur, on est tombé sur cette phrase en trois lettres, avec trois V. Ca nous correspondait assez bien car il faut savoir que la phrase signifie "La force renaît grâce à la blessure". Ca retrace quand même le parcours du groupe car on a eu beaucoup de galères : des mecs du groupes qui se sont barrés à des moments où ça tombait le plus mal, cet album que l'on a enregistré une première fois dans des conditions qui n'étaient pas bonnes, on a dû le jeter, retrouver des budgets, repartir enregistrer etc. Donc c'est vrai que ce titre tombait pile poil sur ce qu'on avait vécu. D'ailleurs je pense que c'est ce que vivent beaucoup de groupes, surtout dans le milieu metal et des styles avec du gros son. C'est vraiment galère à tous les niveaux.

« Œil pour œil » fait un peu contraste avec les autres chansons car très localisée sur Narbonne. C’est un vrai règlement de compte avec les détracteurs de Furaya (mairie, autres groupes et ancien membre). Qu’est ce que vous avez voulu faire passer car un type de Lille ou de Strasbourg qui l’écoute ne comprendra pas trop le sujet. N’est-ce pas un peu gratuit ?
Greg : Non, ce n'est pas gratuit car à partir du moment que c'est honnête. Et puis c'est comme ça qu'on est, c'est comme ça qu'on réagit ! Quelque part les mecs avec qui on règle des comptes, ce n’est pas des petites histoires à deux balles, c'est vraiment des tournants du groupe qui ont été durs. Quand on parle de règlement de compte avec d'anciens membres du groupe...il y a plein de gars qui sont passés dans le groupe mais il y en a un en particulier, figurant dans cette chanson, qui nous a fait très mal. C'était une trahison. Après, chacun est libre de partir : il y en a qui sont partis, qui sont revenus, Papaye récemment est parti, pas de problème mais il y a des façons de faire. Ensuite, Raphael, c'est autre chose, c'est parce qu'il s'est servi de nous à une époque où il commençait à monter le Hangar et nous embobiner en disant qu'il voulait agir pour la scène. A l'arrivée, tu t'aperçois qu'il te fait jouer et qu'il se sert de toi et en plus il ne respecte personne. Pour te citer l'histoire, on jouait avec des groupes de jeunes, j'ai bataillé avec lui parce que déjà, au niveau accueil, il y avait juste un pack de flotte posé et pour les petits jeunes, je trouvais ça pas top. En plus, il ne leur a pas filé de sous et à la fin du concert, il y en a un qui a prit une grosse baffe dans sa gueule par un des membres de l'organisation et je trouve ça intolérable. Tu fais venir le mec, tu le fais jouer, grâce à lui, tu fais venir du monde et puis tu lui mets des claques dans la gueule. C'est un truc qui nous a marqué à ce moment-là. Donc c'est vrai qu'un mec de Lille ne va pas comprendre tout ceci mais ça pose un petit peu le caractère du groupe. C'est une façon d'expurger tout ça en fait. Plutôt que de le garder pour soi, on l'a foutu dans une chanson et puis c'était réglé. Maintenant qu'on la joue, on prend du plaisir et on le fait avec un sourire en coin. En gros, ça voulait dire "Ok, on encaisse les coups mais il y a possibilité qu'on réponde aussi". Je pense que c'est mieux de le faire comme ça plutôt que d'aller voir les personnes concernées et d'avoir été leur péter le gueule. Je trouve que c'était plus positif de faire comme ça.

Si quelqu’un me pose la question « il ressemble à quoi le nouvel album de Furaya ? », je pense que je lui répondrai « C’est du Snot mélangé à du RATM. ». Acceptes-tu ce rapprochement ou est-il trop réducteur ?
Greg : Non, franchement, non. Réducteur après je ne pense pas parce qu'à un moment donné, il faut bien avoir des références et si tu me cites Rage Against The Machine et Snot, je suis à fond d'accord. C'est deux groupes dont je suis fan. Snot, c'est pour moi plus particulièrement. Après Rage, il n'y en a pas un dans le groupe qui n'est pas fan. Tu aurais pu dire Lofofora aussi. C'est, pour moi, des groupes qui m'ont marqués et qui ont vraiment apportés à la scène. J'écoutais pleins de groupes mais ceux-là restent importants.

On ressent des influences très 90’ mais vous intéressez-vous aux styles actuels en tant qu’auditeurs ?
Greg : Pas mal de membres du groupe, oui. Si c'est mon cas personnel, je m'y intéresse de manière à savoir ce qui sort mais c'est vrai que je suis resté vraiment accroché aux groupes dont on parlait car c'est ceux-là qui m'ont marqués, qui ont construits mon oreille musicale. C'est vraiment ceux-là que je retiens. Comme je t'ai dit tout à l'heure, je les écoute encore. Au fil des années, c'est des groupes comme Rage, comme Snot, comme Metallica pour les plus classiques, comme Lofofora qui sont mes références.

Depuis le temps que vous tournez, avez-vous rencontrés un groupe qui se rapproche le plus de l’état d’esprit Furaya sans pour autant faire le même style de musique ?
Greg : Oui ! Troïdes Priamus Hecuba, c'est un groupe avec qui on a beaucoup joué. On a commencé avec un concert aux débuts du groupe, il y a 5,6 ans sur Lyon et on a accroché de suite. On a commencé à faire des échanges. Le style est très différent, c'est beaucoup plus barré, beaucoup plus technique, pour moi c'est des tueurs. A chaque fois, j'ai pris une baffe monumentale. Il y a un autre groupe que je retiens personnellement, avec qui on a joué, c'est Onesta. Eux sont vraiment dans un pur état d'esprit hardcore et c'est le coté véridique, sans concessions qui m'a fait accrocher.

Ils ont eu des problèmes récemment (des rumeurs circulaient sur le fait que plusieurs membres étaient liés à des groupes de hooligans et de skinheads d’extrême droite)…
Greg : Oui, je sais. J'ai été en contact avec eux mais tu vois, ça aussi ça m'a rapproché d'eux parce que, ce qu'ils ont vécu, on l'a un peu vécu aussi. Quand on a sorti l'album, certaines personnes sur le site de la Fnac sont venues poser des commentaires en disant qu'on était des démagos parce qu'on avait des textes antifascistes mais que nous étions des fachos... C'est purement gratuit, c'est balancé sur internet mais le pire c'est que tu as les textes dans l'album, en français ! C'est vrai qu’Onesta a été aussi victime de ça et c'est aussi purement gratuit. J'ai eu le chanteur, Bogdan, en contact, qui me racontait ça. Il ne sait pas d'où ça vient, comment...il ne comprend même pas ! Leurs textes sont en anglais mais ils traitent des mêmes sujets. C'est un peu facile de balancer des trucs comme ça et en plus, c'est se tromper d'ennemi, je trouve. Les vrais fachos ne sont jamais trop visés, ils font leur traintrain tranquilles et on tape sur des groupes qui n’ont rien à voir. A mon avis, Onesta n'en a pas fini car la rumeur est lancée et ils vont devoir s'expliquer plein de fois et ça, c'est chiant. Surtout quand tu ne sais pas d'où ça vient...

Vous avez prévu des surprises pour votre dernier concert ?
Greg : Non, franchement, ce qu'on a prévu c'est de se faire plaisir. Parce que vers la fin, c'était tellement intense, il y a eut des prises de tête afin de savoir où on allait. Tu sors un album dont tu es content mais d'un autre coté, tu es frustré parce que la période actuelle fait que tu n'as pas beaucoup de dates et avec une distribution nationale, tu en espérais un peu plus... A un moment donné, on se prenait tellement la tête qu'on avait perdu de vue un peu le plaisir de jouer parce que tu te poses des questions, c'est tellement de boulot à coté que t'en oublie ça. Donc pour le dernier, on se fait plaisir ! Retrouver cette sensation quand tu montes sur scène.

Avez-vous des projets après Furaya ? Continuerez-vous à suivre la scène narbonnaise et audoise ?
Greg : Je pense que je continuerai à la suivre encore. En plus d'être musicien, j'ai été pas mal organisateur et pas que pour mon groupe. Je trouve que c'est vraiment important pour le style qu'on fait, le coté "on se démerde tout seul". J'espère qu'il y aura des gens qui vont continuer à prendre des initiatives là-dessus. Pour les projets personnels, je sais que dans le groupe, il y en a qui en ont et ça n'a rien à voir avec le style Furaya. Moi, pour l'instant, c'est possible que j'en aie mais comme il n'y a rien de sûr, je ne préfère pas en parler. Après, tout est question d'opportunité dans la vie mais je pense qu'il y en a qui continueront à faire de la musique.

Etienne