Indurain "S/T" (Noise Rock)

Indurain, c’est un duo de fondus de la noise qui sous ses airs sobres, fourmille de riffs chiadés et de parties bien agencées.
C’est irréfutable, leur packaging CD est on n’peut plus à l’image de leurs compos et de leur son : made in home à 100%, personnalisé à la perfection. Vous avez la nette impression de tenir entre vos mains un objet précieux or et ténèbres, fabriqué sur mesure pour mettre en volume votre écoute grâce à un principe origamique non identifiable. Le rendu est aussi original que remarquable.
Epoustouflée je contemple l’objet, époustouflée je resterai.

Après la finesse mystérieuse du support, parlons du contenu.
Comme son champion cycliste éponyme, Indurain se lance dans la course avec Chut ! Ma voisine est sourde dans un contre-la-montre qui se veut représentant du reste : c’est du rock avec ses parties bien rentres-dedans, et de la noise sportive, avec ses passages lancinants et pénibles qui nous colle aux crampons (à 3’50 j’étais prête à jeter l’éponge).
Le choix des titres, comment vous dire… complètement barrés ! Gare, on a à faire à des allumés !
Avec Les fous du volant suivis d’un espion dans l’ascenseur, mit en selle avec la voix originale du dessin animé, on comprend l’état d’esprit des personnages, Santanas et Diablo. Ils moulineront tout ce qu’ils pourront durant les huit étapes de l’album pour savoir lequel des deux se placera en tête, quitte à s’en faire péter les varices !
Ça grouille tellement instrumentalement qu’on croirait avoir à faire à toute une équipe Cofidis. Ils ne sont pourtant que deux, mais ils sont médaillés de la polyvalence simultanée.
Le guitariste tape ses cordes en même temps qu’il joue du piano debout (c’est peut-être un détail pour vous mais) il s’agit ici d’une véritable performance.
Quand il est bien ravitaillé aux stands, il se surprend même à lâcher des appels caverneux comme sur De la viande sur la route ou la fin de Course de lévriers.
Apparition chantée extrêmement rares et sommaires (en exclusivité à 3km15 sur Les fous du volant suivis d’un espion dans l’ascenseur).
David a beau endosser la casquette de chanteur, le short du guitariste, et le maillot de synthétiste, l’exécution instrumentale reste impeccable.

Quand à Hibou, le batteur, n’en finit plus de rouler ses poignets. Multibreaker, il sait aussi jouer du lourd où il frôle parfois le métal, comme dans De la viande sur la route (à 1’20).
Si la guitare est la même, il saura faire évoluer sa rythmique -déjà pas mal syncopée- pour la faire redécouvrir à l’auditeur. Avec ses accessoires et son jeu raffiné sur les cymbales, Hibou joue sur les nuances. 
Néanmoins le son est particulier, pas de timbre sur la caisse claire, des toms très bruts…

La mécanique du duo fournit habillement un jeu évolutif (stage 4), capable de grimper dans les aigus sur Poursuite de laser  ou de se dérégler complètement sur morceau final Biscuits secs 1er étage 1m80. Quand à Course de lévriers, il porte bien son nom : c’est une échappée des deux protagonistes qui se disputent le titre de rapidité.
Ils se lancent des défis pour se compliquer les épreuves, comme avec Poursuite de Laser qui entretien l’ambigüité entre le sampler d’intro, le synthé et la guitare qui reprennent le même thème. Et pour l’avoir vu en live, il n’y a pas de doping ou de tricherie, créateurs et auditeurs se laissent happés par les nappes d’un univers prenant, avec une exécution sans accro, rapide et synchro.
Et s’il nous fédère par l’aspect répétitif et minimaliste de leur composition, Indurain démontre aussi d’impressionnantes aptitudes à contourner les mesures en 4/4. On s’éloigne des plaines de rock basique, pour rejoindre l’altitude du 6/8, 7/12 et tant d’autres cols que je ne pourrais décrire tellement mes cours de solfège me font défaut. Ils ne se font jamais prendre à leur propre jeu, respectable !
Aspirés par l’appel d’air que leur passage génère, notre corps adhère à la Primitivité des compos en s’octroyant sur le bitume un shoot d’adrénaline couplé d’une pointe d’endorphine. Sensation plaisante !

Entre cartoons, vieux jeux vidéo et films à la mauvaise fin, Indurain nous embarque dans sa course déjantée en maniant ses instruments comme de véritables bolides. Maillot jaune de la noise rock, Indurain détient sur cette première galette le record de titres olympiques sans dopage. 
Chloé