Zapruder (Math Hardcore, Post Hardcore)

Pas facile de classer la musique de Zapruder face à la quantité d'informations que les Poitevins ont distillé dans "Straight to the Horse's Mouth". Naturellement (mais surtout grâce à l'invitation de Blue Wave Production !), je suis allé poser quelques questions au groupe, composé de cinq membres qui savent clairement où ils vont et qui font fi de toutes les limites stylistiques possibles, ne s'embarrassant pas de chroniques leur reprochant une certaine incohérence. J'aime !

Régis : Chant
Etienne : Guitare, chœurs
Quentin : Guitare, chœurs
François : Basse, chœurs
Romain : Batterie, chœurs

Salut, quelle est votre actualité, après la sortie de « Straight to the Horse’s Mouth » ?

François
: Hello ! Tu commences un peu ton interview par la fin, petit vicelard. On a été en tournée du 27 octobre au 3 novembre. C'était assez énorme. Après, on commence à réfléchir sérieusement à la suite en terme de composition, en sachant qu'on a déjà une bonne base pour avancer.

Régis : En effet, le principal c'était d'abord notre tournée. Pour la suite, on risque d'entrer dans une période avec moins de live pour avancer sur un nouvel enregistrement.

Il y a beaucoup d’influences dans cet album mais quelle est celle qui prédomine dans le groupe ?

Régis : Aucune influence ne prédomine dans le groupe, nous avons tous des goûts différents. On peut se retrouver sur des groupes comme Converge, Neurosis mais en fait en jouant, on se découvre en même temps, chacun apporte sa culture et son "touché" à Zapruder, faisant découvrir aux autres des formations inconnues, des éléments neufs. Ce qui explique la sensation de voir beaucoup d'influences dans l'EP.

Etienne : De toute façon, il est impossible et particulièrement idiot de tenter de faire table rase de ce qui a existé avant toi lorsque tu composes. D'une part, parce que l'envie de faire de la musique naît bien souvent d'un désir d'imitation et d'autre part, parce qu'écrire de la musique c'est s'inscrire dans une certaine histoire, qui a un début et (peut-être ?) une fin. La difficulté est de trouver la bonne distance vis-à-vis de ce qui te précède. Quant à savoir si nous avons su la trouver sur cet EP... Je ne sais même pas si nous sommes en mesure de répondre à cette question.

Comme vous avez surement dû le lire, j’ai trouvé que « Straight to the Horse’s Mouth » comportait énormément de genres différents pour un EP 5 titres. Était ce délibéré d’articuler les morceaux comme ça ou bien le fait du hasard ?

Régis : J'ai été dérouté par le terme d'incohérence utilisé dans ta chronique pour parler franchement. L'EP est très hétérogène oui, nous ne nous mettons pas de limites dans l'expression de notre musique et on peut passer d'un plan Rock'n'roll à un plan jazzy sans se soucier de rien car ce qui est au-dessus de tout, c'est surtout la cohérence. Les morceaux sont de fait réfléchis dans leur enchaînement, comme le passage de Mount Fuji In Red à Lost In Vegas, qui extirpe avec brutalité l'auditeur de sa rêverie, ou We Carry Just Enough To Play qui conclut l'EP avec un texte "profession de foi". C'est vrai que passer de Guns, Speech And Madness à Mount Fuji In Red est choquant, mais nous avons pensé l'EP davantage comme quelque chose qui s'écoute du début à la fin pour bien suivre ce cheminement dans nos textes notamment. Je préfère donc qu'on parle de "trop forte hétérogénéité" à la limite que "d'incohérence", car ce dernier terme voudrait dire qu'on a balancé à l'arrache les morceaux sans penser à leur lien.

Que signifie « Straight to the Horse’s Mouth » et sa pochette assez étrange ?

Régis : La syntaxe de ta phrase m'autorise à penser que tu demandes aussi ce que signifie le titre. Je laisse ça à Etienne, alias "Maître Anglais", et je me garde la réponse sur la pochette si tu le veux bien. L'artwork est étrange, oui, c'est l'adjectif! Nous avons travaillé avec Antoine Miko en partant, en fait, d'un délire de base sur un homme nu avec une tête de cheval. Puis de fil en aiguille, on en est venu à l'idée d'un mec comme ça qui serait le long d'une route, comme perdu et différent dans le monde. Enfin, à force d'essais, nous en sommes arrivés à cette photographie là, très mystérieuse, et qui après avoir été prise donne beaucoup de nouvelles interprétations. À vous de vous les faire!

Etienne : *chausse ses petites lunettes rondes* Oui effectivement Régis, je te remercie de me donner la parole car nous avons là affaire à un sujet véritablement passionant, n'est-ce pas, l'expression apparaît pour la première fois aux alentours de 1634, comme en atteste l'Oxford English Dictionary, qui sur ces questions étymologiques n'est que très rarement mais parfois assez durablement pris en défaut, n'est-ce pas, mais il existait jusqu'en 1974 un débat délicieux, que dis-je un débat, une véritable controverse, entre les regrettés mais néamoins éminents professeurs Robert Shutup et Philip Stopit, quant au fait que Shakespeare lui-même aurait forgé l'expression dans sa célèbre pièce The Merchant of Venice, enfin, pour les béotiens et autres non-anglophones, le Marchand de Venise, n'est-ce pas, dans la bouche pour ainsi dire du non moins célèbre juif Shylock, en français donc Shylock, n'est-ce pas...*ôte les lunettes*
"Straight From The Horse's Mouth" signifie en fait "provenant de la plus haute autorité" ou "de la source la plus sûre". L'histoire veut que les parieurs hippiques allaient demander des conseils aux jockeys, dans leur écurie, pour savoir sur qui miser leur livres. L'info provenait donc, métaphoriquement, directement de la bouche des chevaux qui allaient concourir. Quant à son interprétation... Tout dépend qui joue le rôle du cheval, et qui tend son oreille. Et puis ces mecs qui surinterprètent tout et se la racontent avec leur érudition, ça me fatigue !

Pourquoi avoir fait le choix d’enregistrer avec Amaury Sauvé ?

François : Régis suivait son boulot depuis un moment, que ça soit en tant que musicien ou ingé-son. On aimait son approche de la musique, sa philosophie derrière sa console. Ça s'est passé merveilleusement bien et on espère réitérer l'expérience par la suite.

Régis : Amaury est pour moi un des ingénieurs son les plus prometteurs du moment. Je suivais en effet As We Draw dont j'avais beaucoup aimé l'album et j'ai vu à partir de là qu'il était ingé-son. À force de recherches sur la toile, j'ai pu écouter un peu tout ce qu'il faisait et son travail me semblait convenir totalement à Zapruder. Les gars ont été aussi convaincus que moi et nous voilà, avec un EP qui a un son d'enfer.

Qu’attendez-vous de cet EP ? Une signature sur un label, des concerts, toucher un maximum de monde… ?

François : On a d'abord enregistré cet EP parce qu'on a du plaisir à jouer ensemble et qu'on est fiers de ce qu'on produit. Après, si d'autres auditeurs peuvent s'y retrouver, tant mieux...

Régis : Même si ce serait idéal, signer sur un label avec un EP relève presque d'une utopie de nos jours. Ou alors il faut s'appeler Birds In Row et avoir fait ses preuves très longtemps sur la route.

Etienne : Personnellement, je vois plutôt l'EP comme un premier jalon posé sur la voie de notre évolution. Le groupe est encore - et je l'espère, sera toujours - en mouvement, en quête permanente d'une identité dans laquelle se reconnaître sans s'enfermer. Et à ce titre, il me paraît judicieux de pouvoir s'appuyer sur un disque enregistré, qui marque une étape de cette évolution, à la fois un aboutissement et un point de départ. Sur un autre plan, il s'agit aussi d'un support permettant de justifier le fait de partir sur les routes, ce qui nous enchante tous.

Parmi les concerts que vous avez faits, y en a-t-il un qui vous a vraiment marqué ?

Etienne : Allez, c'est le quart d'heure langue de bois : tous étaient assez différents - et puis il n'y en a encore pas une liste interminable non plus - donc je garde un souvenir singulier de chacun d'entre eux. Bon, allez, s'il fallait n'en garder qu'un, la première fois que nous avons joué sur une véritable scène, dans une chapelle (mais pas pendant la messe, n'est pas Pussy Riot qui veut), c'était notre deuxième concert, premier test live pour Mt. Fuji...

Comment abordez-vous le live ? Préférez-vous cet exercice au studio ou l’inverse ?

François : Globalement, c'est à la fois très différent et tout à fait complémentaire. On va en live pour jouer fort, on va en studio pour jouer fin.

Régis : Pas mal cette formule! Je dirai que les deux sont équivalents. Le live est le moment où tu partages avec le public la musique que tu as crée, c'est quelque chose d'incroyable, de voir des gens bouger, applaudir, te complimenter lors d'un live. Et le studio, c'est ce moment où tout se fait, tu expérimentes, tu vois ton œuvre se créer au fur et à mesure, c'est excitant.

Que peut-on attendre de Zapruder dans les prochains mois ?

Régis : Une période de calme entrecoupée de quelques concerts bien sûr, mais malheureusement pas trop de nouvelles le temps que l'on compose!

D’ailleurs, que signifie pour vous le nom du groupe ?

François : Il s'agit du nom de famille du mec qui a filmé l'assassinat de Kennedy et dont la vidéo a fait le tour de monde. Ça sonne bien et c'est suffisamment vague pour donner lieu à des interprétations en tous genres.

Que pensez-vous de Jérémy d’Abysse et de Blue Wave Production ?

François : Question délicate pour Régis qui a eu une histoire de cœur avec lui...

Régis : Laissez Jérémy en dehors de tout ça! Non sérieusement, il est rare de trouver dans ce milieu des mecs qui savent ce qu'ils font et sont engagés pour les groupes. Jérémy fait partie de ceux-là, il bosse à fond, et son travail dépasse nos espérances. Blue Wave Production est une boîte de qualité avec de bons artistes d'ailleurs, il faudrait davantage le faire chier pour qu'il crée pour de bon un label, il a la foi pour ça. Reste les dollars.

Etienne : Thank god for the worker bee !

Aurais-je oublié quelque chose ?

Etienne : Insulter le batteur, à part ça, je ne vois pas.
Etienne (celui du fanzine)
Photos live par Antoine M.