Fleuron français de la scène Noise Hardcore française, Sofy Major s'apprête à repartir en tournée avec les légendes du même style Membrane. Avant d'écumer les scènes, j'ai pu m'entretenir avec Mathieu le bassiste chanteur (et Sebastien, un peu) sur le futur du groupe, sa vision des labels et formations undergrounds, des supports audio et l'ASMCA. Une vision très claire qui prouve que Sofy Major a ce petit plus que beaucoup n'ont pas.
Mathieu : basse, chant.
Sebastien : guitare.
Mathieu : batterie.
Salut, vous vous apprêtez à repartir sur la route avec
Membrane pour le « Drunk Driving Tour Part. 2 ». Comment se passent
les préparations ?
Mathieu : Plutôt bien, il y a pas mal de trucs à
penser, nous sommes en pleine période de pré-production pour le successeur de « Permission
to Engage » et il va falloir se remettre la tête dans le live avant de
repartir pour faire de bons shows. On a bien hâte de reprendre la route en tout
cas et la perspective de côtoyer les Membrane une seconde fois pendant une douzaine
de jours n’est pas pour nous déplaire.
Pendant les trajets, qui choisit la musique et que
passez-vous sur la platine ?
Mathieu : Une seule règle : celui qui
conduit choisit la musique, tous les autres « subissent ». Comme tous
les groupes sur la route, on a nos hymnes sur l’autoradio et chaque moment de
la journée a sa bande son. Un bon EP de Dälek ou « Children of God »
des Swans convient parfaitement aux lendemains de cuites ultimes suivis d’un
énorme trajet tôt le matin tandis qu’une arrivée en ville en fin d’après-midi
au fin fond de l’Europe de l’Est est propice à écouter Driveblind, Monno ou
n’importe quel groupe de sludge de Louisiane. Pour les trajets de nuit, entre
les cafés chimiques d’autoroute et les Redbull qui tordent le bide (pourquoi on
boit ça, je sais pas…), j’aime bien mettre des morceaux plus ou moins bas du
front, du Death Metal ou du Hardcore de préférence, pendant que tout le monde
dort, c’est très efficace. Sinon, quand trop de fatigue ou quand on a passé 50
fois les playlists de nos Ipods, c’est Nostalgie ou sa version locale, on est
assez contents quand on trouve les Dutronc et Dassin d’autres pays.
Que représente Membrane pour vous ? Un groupe d’amis,
un groupe concurrent, une influence ou rien du tout ?
Mathieu : Rien du tout, ce sont de sacrés
connards et on ne tourne avec eux que par intérêt et parce qu’ils nous payent
des coups.
Parlez-moi de la genèse du split avec eux.
Mathieu : On les avait découverts avec « Utility
of Useless Things » il y a quelques années et on s’était dit que ce serait
bien de les faire jouer quand l’opportunité se présenterait. C’est donc arrivé
en 2009 et après une soirée arrosée (encore une…), on a tous décidé que ce
serait cool de sortir un disque ensemble et de faire quelques tournées ;
par la force des choses, ils sont devenus de vrais potes. Chacun de leur
concert est une vraie leçon, tout est vraiment en phase et leurs concerts sont
aussi sympas qu’un tractopelle Caterpillar lancé à pleine balle sur un jardin
d’enfant. Vraiment, même après les avoir vu une bonne vingtaine de fois, c’est
toujours une super expérience de les voir en live et c’est surtout très
impressionnant. Peu de groupes nous ont fait cet effet (« l’effet grosse
branlée »).
Est-il annonciateur d’un très prochain album ?
Mathieu : Comme dit au dessus, nous sommes actuellement
en train de finir de composer le successeur de « Permission to Engage »
que nous enregistrerons en fin d’année dans des circonstances un peu
particulières. À suivre.
Sur vos disques, vous incitez les gens à brûler le CD et à
acheter un vinyle. Que représente ce support pour vous ?
Mathieu : Tous nos disques sortent quasiment sans
exception au format vinyle, pour la bonne et simple raison que la
dématérialisation de la musique (par le CD puis par le MP3) et de l’Art touche
peu notre public et la Scène dans laquelle nous évoluons ; c’est pourquoi
ces personnes attachent autant d’importance aux lives en se déplaçant
régulièrement aux concerts qu’à l’objet vinyle. Tu sais, c’est un peu comme
acheter des bouquins et avoir une bibliothèque, y’a vraiment que les hommes du
futur de 2030 qui ont des bibliothèques entières sur Kindle.
Cependant pour certaines sorties, notamment les albums, il
nous arrive aussi de sortir une version CD et de balancer les MP3s sur le net
car tout le monde n’est pas forcément équipé à la maison.
Depuis vos débuts et surtout avec « Permission to
Engage », vous avez travaillé avec énormément de labels (8 au total, 6
pour les versions CD & Vinyle et 2 pour la version K7). Est-ce important
pour vous de travailler avec différentes personnes sur un projet ?
Mathieu : En fait, sortir plein de disques sur
plein de labels différents nous permet de rencontrer des gens vraiment cools
qui sont aussi galériens et motivés que nous. La plupart des boss de labels
sont aussi musiciens eux-mêmes et en général nous leur faisons un retour
informel lorsqu’ils nous aident à produire et distribuer nos disques (en les
faisant jouer, en leur payant une cuite ou en leur refilant nos meilleurs plans
drogue). Nous avons gardé contact avec presque tous les gens avec qui nous
avons collaboré sur l’intégralité de notre discographie. Ça permet aussi de
mutualiser les frais puisqu’on a toujours tendance à vouloir sortir de gros
objets un peu inédits et à vouloir être originaux dans nos artworks ou encore mieux
distribuer le disque en multipliant les réseaux. « Permission to Engage »
est sorti en trois formats différents (500 2xLP, 1000 CDs, 150 cassettes) sur 8
labels dans 4 pays, chacun d’entre eux ont tous des réseaux de distribution qui
leur sont propres et des connections avec d’autres pays où le groupe est un peu
plus confidentiel, ce qui est quand même un vrai plus. Maintenant,
économiquement il est très dur pour un label de prendre en charge un pressage
de cette taille-là à moins qu’il ne s’agisse d’une grosse pointure américaine
avec des années d’expérience qui pourra écouler son stock plus rapidement que
nous qui sommes encore un groupe « jeune » et avons encore besoin de
beaucoup tourner malgré une cadence de concerts assez élevée ces deux dernières
années.
Vous avez joué dans divers pays. À vos yeux, qu’est ce que
la scène Noise Hardcore européenne d’aujourd’hui (groupes, labels, assos,
public) ?
Mathieu : C’est très variable selon les pays, etc.
Globalement la Scène reste petite et est maintenue en vie par un noyau dur de quelques
centaines de personnes. Nous avons des souvenirs impérissables de la route,
c’est sûr, avec des instants plus funs que d’autres, un public parfois
carrément au rendez-vous, parfois pas du tout. Mais en général les
organisateurs sont aux petits soins et le public plutôt attentif. Aussi, je
trouve qu’en France depuis 3 ans, il y a de plus en plus de groupes vraiment
intéressants et plein de gens investis dans la Scène qui organisent des
concerts, qui sortent des disques, etc., malgré l’hécatombe de lieux de
diffusion. Ça remet un peu la France sur la carte des tournées et certains
groupes français n’ont rien à envier à leurs cousins anglo-saxons. Après voilà,
l’étiquette n’est pas forcément vendeuse et même certaines grosses pointures se
confrontent encore à des difficultés (je crois qu’Unsane sur une de leur dernière
tournée s’étaient pris de gros bides aux USA sur quelques concerts), mais c’est
un truc où il ne faut jamais lâcher prise, répéter toujours plus, tourner
toujours plus et acquérir de l’expérience. Je trouve aussi qu’en Europe de l’Est,
c’est de plus en plus cool, il y a un intérêt pour la scène des musiques
extrêmes au sens large voire même carrément expérimentales et tout n’est pas
encore trop biaisé là-bas, les gens s’intéressent vraiment à ce qu’ils voient
ou à ce qu’ils écoutent.
La scène clermontoise fourmille de groupes de qualité
depuis pas mal d’années maintenant (8nop8, Crankset, Radio Maquis, Temesta,
Benco Box…). Comment expliquez-vous cette émulsion ?
Mathieu : Pour une ville de cette taille, c’est
assez étrange en effet, du coup je pense qu’il y a deux facteurs-clef :
- Clermont est une grosse ville enclavée au milieu de la
France qui s’est développée autour d’une grosse entreprise paternaliste
(Michelin) à l’ancienne, du coup c’est un peu la misère ici et le côté « village »
mêlé au côté « grosse agglomération post-industrielle » incite les
jeunes à faire des groupes et de la musique pour ne pas s’ennuyer tout en
essayant de vivoter autour d’autres projets alimentaires, ce qui est plutôt une
bonne chose.
- Mais d’un autre côté, la Ville, de manière formelle ou non,
n’est pas très regardante sur ce qu’il se passe dans les tréfonds de la culture
alternative et Clermont est vraiment le support idéal pour commencer un groupe
dans des conditions pas trop pourries. On a la chance d’avoir pas mal de
café-concerts ici pour les groupes débutants et puis aussi et surtout le
Raymond Bar et de nombreux autres lieux autogérés qui sont des points de
rencontre incontournables pour les musiciens et les jeunes d’ici et la vie de
Sofy Major est indéniablement liée à ces lieux, aujourd’hui. Les politiques et
les institutions tolèrent ces endroits, voire pour certains les encouragent ce
qui est une très bonne chose et une exception dans un pays où la Culture et
l’Alternatif sont au choix soit en perdition, soit complètement en retard.
En fait, l’intérêt de Clermont c’est que toute personne un
peu motivée peut réussir à faire ce qu’elle entreprend en empruntant des
chemins détournés ou non et qu’il y a toujours une émulation autour des
musiques et des Arts en marge toutes catégories confondues.
Sébastien : Pas d'analyse particulière, c'est la meilleure équipe du top
14 et ils vont aller en finale sans aucun problème.
Aurais-je oublié de mentionner quelque chose ?
Mathieu : Longue
vie au Hard Rock et merci à toi. On aura pas mal de jolies choses à vous
annoncer d’ici les semaines à venir, on tiendra tout le monde au courant. Si
jamais nous jouons chez vous, venez nous voir et on boira un canon ensemble.
Etienne