Aujourd’hui,
l’atmosphère sera pesante, lourde, malsaine et brouillardeuse. Connue pour son
goût développé du metal extrême, la Suisse abrite aussi des formations obscures
expérimentales s’enfonçant dans les abysses d’un black metal ambient occulte.
Dans ce sillon, ont déjà pénétrés depuis longtemps Profond Barathre et
Malvoisie, adeptes du style depuis fort longtemps et n’étant pas à leurs
premiers coups. En marge de ces deux formations, Rorcal incarne le coté sludge,
un peu plus représentatif de la scène helvète comme on se l’imagine. Ce split
renfermant les trois groupes a été spécialement conçu pour ne faire qu’un. Un
voyage, un récit, une lecture, chacun trouvera sa définition mais la volonté de
ce trio d’organiser ces trois morceaux de manière musicale, sensitive et
émotionnelle demeure.
Profond
Barathre se charge d’introduire le split avec sa musique noire sous fond d’incantations,
proche d’un Wardruna (side project de Gaal de Gorgoroth). La tension monte très
lentement mais se fait ressentir dès le début. On se croirait perdu dans une forêt
norvégienne au crépuscule. Durcissant l’atmosphère en y ajoutant des instruments
plus contemporains (guitares et batterie entre autre), le duo se rapproche du black
metal ambient cité plus haut à l’instar du projet de Nihil et Havoc (ex Behemoth) :
Seagulls. Volontairement sali et en retrait, le son des instruments aurait
néanmoins pu être meilleur dans l’aspect « enregistré dans une grotte ».
On comprend ce que Profond Barathre a voulu faire mais le but n’est pas
(totalement) atteint. Finalement après un joli mais inquiétant passage d’arpèges,
la peur et la colère laisseront place, à nouveau, aux incantations du début,
comme si le plus dur était passé.
C’est
mal connaitre Rorcal, préposé à être la clef de voute du split, qui a décidé de
ne pas faire dans la dentelle en écrasant sans merci l’auditeur avec ses riffs
massifs et destructeurs. Leur sludge poussé à l’extrême, passant souvent la
frontière qui les sépare du black metal, me fait penser à Céleste. Les Suisses
ne relâcheront jamais l’intensité et déclenchent leur fureur, surement invoquée
précédemment par Profond Barathre, nous instaurant dans un enfer brulant et effervescent.
Ces dix minutes de chaos total représentent la partie « conventionnelle »
du CD dans le sens où Rorcal est une formation de musicien normale
(chanteur/batteur/bassiste/guitaristes) et propose des parties avec des
structures classiques, habituelles pour nos oreilles comparé aux deux autres groupe
plus expérimentaux, vous l’aurez compris.
Après
toute cette frayeur, Malvoisie fini cette expérience sonore avec son funeral
doom entremêlé d’ambient, de noise et de black metal. Typique pour ce genre(s)
de style(s), la haine et la colère représentent le noyau du projet, ce que le
duo suisse s’empresse de transmettre du fond du cœur et/ou des tripes. Sale et
suintant, le son et les structures des morceaux paraissent secondaires par
rapport à cette ire infectant l’atmosphère. Ici, point de forêt ni d’enfer mais
un désert gris traversé par une tempête de cendre. Tendant néanmoins vers
Profond Barathre dans son approche musicale, Malvoisie se détache par son coté hautement
malsain. Les deux membres terminent le split dans une ambiance angoissante au
possible et clôturent une expérience auditive intéressante, riche et intense. Attention,
la digestion sera difficile.
Etienne