Le Duc et le Gringo du Bar Île (Narbonne)

Quoi de plus normal que d'interviewer les deux seules personnes courageuses de Narbonne à avoir repris le flambeau des cafés concerts ?! Cela faisait belle lurette qu'un établissement n'avait pas ouvert dans notre ville. Et pour couronner le tout, les patrons sont aussi gentils qu'ouverts d'esprit. Rencontre avec Arnaud alias le Duc qui nous fait partager son enthousiasme et son regard aiguisé sur la musicale narbonnaise et nationale.



Salut! Alors, ça fait quoi d'être le seul café concert de Narbonne ?
Le Duc : Et bien ça rend fier, d’autant plus que Narbonne en avait grand besoin. Le fait d’avoir construit ce projet montre à quel point les musiciens sont en manque de lieu pour promouvoir leur art, qu’il soit populaire ou élitiste. On a pu s’apercevoir que depuis 2007, une certaine apathie s’est installée en ville, tellement plus vivante à cette époque. Et nous nous efforçons de remuer un peu tout ça pour votre bien vivre. Il est en effet important d’offrir un lieu de partage social et culturel en cette époque de morosité où tout le monde a plus ou moins tendance à se renfermer sur soi et son PC.

Comment a commencé l'aventure ?
Le Duc : C’est parti d’un pur hasard. J’ai rencontré lors de mes recherches d’emploi un de mes anciens collègues musicien avec qui nous avions formé un groupe dans notre vie étudiante. En remarquant nos parcours respectifs, nous nous sommes naturellement orientés vers la création d’un projet de salle de spectacle, puis en s’adaptant aux conditions locales, à l’ouverture d’un café concert. Le reste a été une série d’opportunités que nous avons saisies au gré de nos moyens limités.

Entre vous deux, il y a un vrai éclectisme musical tant dans la programmation que dans les chansons passées en fond sonore. Est-ce que cette idée est venue naturellement ou vous êtes vous disputés violemment (!) ?
Le Duc : Et bien, cela vient de nos premières interactions musicales, lors de notre première formation, qui était à l’origine un groupe de fusion de tous les styles possibles et imaginables. Nous nous sommes mis d’accord sur une alternance quotidienne de ces styles, sachant que par notre ouverture d’esprit, nous étions capables de respecter ce choix chacun à notre tour, non pas que le metal ou le reggae soient mis au second plan pour l’un ou l’autre, ou une mixture infâme (on ne va pas pousser quand même), mais pour mettre en valeur chacun de ces styles, appuyés les uns sur les autres pour montrer qu’ils ont tous valeur égale… cela dit, cela ne m’a pas empêché d’envoyer quelques petits assauts bien poussés en metal, ce qui est de bonne guerre.

Vous aviez à cœur de faire un café concert. Pouvez-vous nous expliquer comment ça se passe pour jouer au Bar Île et que proposez-vous aux artistes que vous accueillez ?
Le Duc : Notre principal soucis au Bar’île est d’accueillir les musiciens dans de bonnes conditions, et ce malgré de modestes moyens, pour assurer une bonne installation, une bonne qualité de son et des conditions de jeu propices à une bonne ambiance. Nous nous mettons tout d’abord en contact primaire afin de définir une date ensemble, puis une fois cette date confirmée, nous accueillons le groupe avec notre belle salle, notre matériel de sonorisation, quelques boissons de choix de notre établissement, un repas offert fourni par nos voisins restaurateurs et quelques autres aménagements supplémentaires liés au confort et aux attentes des musiciens. Puis, arrivés à la date prévue, nous effectuons ce concert dans le respect des règles de l’art et des relations de bon voisinage avec l’environnement extérieur.

Comment voyez-vous la scène musicale narbonnaise ?
Le Duc :
Je la trouve personnellement pleine d’un potentiel très prometteur, en richesse, compétence et variété de styles, cependant minée par quelques paramètres défavorables tels que la difficulté à trouver des lieux adaptés aux répétitions (et ce malgré l’existence du Hangar Musical qui est un bel effort fourni en la matière), une communication pas assez suivie à mon goût par les média locaux et, plus grave, un autre facteur que je vais citer plus loin.

Comment est le public narbonnais ?
Le Duc : Le public Narbonnais est assez éclectique. J’en parlerai de mon propre point de vue, en en faisant moi même partie. Il est varié et bien présent sur les divers évènements proposés dans notre ville et dans les villages de son pourtour. Cependant, il est dommage de constater un certain manque de curiosité de la population locale qui a tendance à plus se renfermer sur ses habitudes que de s’ouvrir à des expériences nouvelles. Il reste un public cultivé et avide de sensation et qui mérite qu’on lui offre le meilleur. Il faut qu’elle se rende compte qu’en se mobilisant régulièrement et en aidant à la prospérité des différentes associations (tels que la Nosedungs, le Label ID, le Trollexi’T, etc…) et structures créatrices d’évènements (nous même par exemple), elle a la capacité, grâce à la situation géographique de la ville, d’entraîner un développement rapide au niveau culturel et d’attirer des artistes majeurs vers ce carrefour de l’Europe. Pour exemple, j’ai déjà réussi personnellement à accueillir un groupe de rock anglais, plus précisément londonien, les EGYPT, ainsi que plus loin encore, un groupe de rock Québécois, les FARLER’S FURY, tous d’excellents musiciens, concerts qui n’ont pu se produire que grâce à l’interaction et l’entraide de nos différents passionnés de musique.


Partout où l'on va en France, il y a un vrai problème pour attirer un public en nombre alors que dix ans auparavant, c'était l'inverse. Comment pouvez-vous l'expliquer ?
Le Duc : Je pense que ce problème est dû à des facteurs multiples : la situation économique actuelle de notre pays est catastrophique, nous en supportons tous les conséquences et l’Aude est le département le plus touché par le chômage et le sinistre financier, ce qui entraîne le départ de nombreux jeunes de la région, sans compter le peu de développement au niveau des études supérieures. Cela plus la pression politique d’une certaine mentalité qui à force de décrets stupides a influencée la désertion progressive des lieux d’accueil publics. En effet, la multiplication de contraintes perturbantes pour le plaisir de s’y trouver, pour « l’intérêt général », ainsi que causées par les écarts de conduite dramatiques et irresponsables de certains êtres particuliers (comme l’on a pu constater l’année dernière par exemple lors des dernières Festéjades à Gruissan), ont entraîné une telle réaction que le public s’est peu à peu dilué dans l’espace. Cependant, cela ne veut pas dire que cela va perdurer. Citons l’exemple du Hellfest à Clisson. Voilà quelque chose qui a du mérite : une bande de jeunes à peine sortis des études qui partent d’un simple festival marginal pour devenir un des évènements les plus importants au niveau européen, voilà qui a de quoi donner de l’espoir. Car les passionnés dans notre genre qui ne manquons pas d’enthousiasme ni de courage pour promouvoir la musique, pouvons traverser les nombreuses difficultés qui entravent l’accomplissement d’un travail bien fait, sain, et honnête. Nous espérons qu’à force d’efforts, la tendance s’inversera d’elle même.

Qui aimeriez-vous faire venir jouer ?
Le Duc : Tu veux dire en rêve ou en réalité ? Et bien j’ai déjà eu la chance d’accueillir de nombreux groupes parmi les plus cher à mon goût tels que les Captain Stark, Weaksaw, les Harseisis, Ysun, Hellhounds, Nephalokia, Dwail, Resentful Mind, Verdun, Bran Terror, les Freres Ramon’s, Apache et le Qincho, les Potes du 31, Tremix, Jano Moreno, Ex Machine et plein d’autres. Je vais aussi avoir la chance d’accueillir bientôt les Electric Ducks, les Johnny Beavers, Mr White, Kohlhass, Aïca et quelques autres surprises. Je ne peux rêver que d’avoir la possibilité d’inviter un jour Bob is not dead, Manimal, Mudweiser, Espece de Fanfare, Nika, Aloha Spirit, Lee Be Do et pourquoi pas… mais là je délire : Lofofora, Electric Wizard, Ataraxie, Sepultura, Gojira… (Pourquoi pas ! Je suis pour ! Ndlr)

Le Bar Île a été décoré par Gwen. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette collaboration ?
Le Duc : Gwen est un ami depuis quelques années que j’avais suivi lors de sa carrière de bassiste dans le groupe Signs. Lorsqu’il a appris que je lançais ce projet, il a aussitôt accouru depuis Toulouse avec pinceaux et bombes pour dynamiter les murs de mon local avec nombre de couleurs chatoyantes disposées par son talent époustouflant de jeune espoir de la BD française. Il a mis à notre disposition sa créativité à la fois guillerette et désopilant la rate et après avoir palabré dans un antre bien connu quelques soirées, il a mis sa griffe à notre disposition et a arrêté son projet. En appelant à nos propres avis à moi et Jérôme, il a crée son œuvre dans le cadre du concept que j’avais défini au départ et le tout s’est inscrit dans le résultat que vous pouvez actuellement contempler à volonté.

Le meilleur souvenir,  pour l'instant, au Bar Île ?
Le Duc : Le plaisir d’avoir accueilli une exposition de peinture d’un artiste Finlandais, ce qui a été le moment le plus décalé et j’oserai le dire, le plus classe qu’ait connu le Bar’île à mon sens. Il y eu aussi la fois du concert de Hellhounds, en plein mois d’août, où la salle a atteint son pic de température… c’était très chaud là. Et puis, il y a eu aussi le souvenir de l’inauguration, où le bar, bondé, a reçu la bénédiction du public… enfin, il y a tellement de bons moments passés en si peu de temps que je ne saurai lequel choisir.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Le Duc : Oh ! C’est simple : de la réussite, « de la bière, du rhum et des femmes », le tout en musique pardi ! Que demander de plus ?!!

Etienne
Logo par Gwen.